Residence Olympic

A la fin du mois d’aout j’ai été invité en résidence à Nantes avec Douglas Edric Stanley, Julien Clauss et Olja Lumelsky. C’est  l’Olympic qui nous a accueillit pour terminer la création pour présenter la version finale de Moving by Numbers au festival Scopitone qu’ils organisent en septembre. Il restait 2 éléments du dispositif à intégrer: le capteur de respiration et de rendre le son interactif.

Le capteur servira d’intégrer le spectateur dans l’œuvre sans qu’il soit dans un rapport de ‘manipulation’ avec la danseuse, ni dans un rapport  ‘d’interactivité malgré lui’ mais quelque chose entre ces deux extrêmes. J.P.Balpe l’a dit très juste: “…l’interactivité est une présence dans l’œuvre”. Mais de quelle nature est cette présence, surtout qu’il y a déjà la présence de la danseuse qui interagit avec l’image?  J’ai cherché alors un moyen pour que le spectateur soit par défaut physiquement présente dans l’œuvre d’une manière discrète mais perceptible et d’autre part lui laisser la faculté de renforcer sa présence par une action physique – la respiration. En fin de compte, le s’agit d’un comportement et d’un mouvement de la part du spectateur. La respiration est justement un comportement à mi-chemin entre la volonté et un réflexe.

Douglas avec capteur de respiration et Julien avec des chaussons orange

Douglas avec capteur de respiration et Julien avec des chaussons orange

Le capteur de respiration, le motion tracking et l’interface d’audio tactile permet de faire circuler des données physique dans un circuit fermé. D’une certaine manière, il s’agissait de revenir sur les idées fondamentales de l’informatique, la cybernétique ou l’autorégulation des flux. La définition suivant décrit bien l’aspect qui m’intéresse:

“Elle [la cybernétique] peut ainsi être définie comme la science des systèmes autorégulés, qui ne s’intéresse pas aux composantes, mais à leurs interactions, où seul est pris en compte leur comportement global1.Je vais revenir dans un autre billet sur ce sujet car il s’agit d’une question centrale de la création.

de respiration La respiration avec un algorithme de normalisation de l’amplitude (ligne vert qui indique le min et max relative)

Quand j’ai cherché le capteur de respiration, j’ai eu la chance de pouvoir m’ appuyer sur les conseils de Emmanuel Flety de l’IRCAM qui a déjà travaillé sur un autre projet avec un capteur de la marque Biopac qui en plus est commercialisé par un petit labo parisienne.  Nous avons interfacé le capteur avec l’Arduino. L’acquisition des données a fonctionné sans aucune complication. Ce capteur est en effet  une ceinture qu’on met au niveau de la poitrine et qui mesure le changement de volume thoracique lorsqu’on expire et inspire.

Étant donnée que chaque spectateur à une respiration différente, il fallait normaliser les données pour éviter que certaines spectateurs ont une influence minime et d’autres trop important sur l’image. Pour cela, nous avons pris les valeurs moyens minimales et maximales pendant une certaine temps ce qui devient les valeurs de références subjectives de chaque spectateur(0-100%). Pendant que le spectateur s’installe, le système de captation s’adapte à sa respiration et son l’amplitude se normalise après un petit moments. Pendant la performance l’algorithme de normalisation continue a réguler l’impact de la respiration. Mais par ce fait, il manipule le comportement du spectateur. L’algorithme ou bien l’ordinateur n’est pas seulement ‘un outil’ qui exécute des tâches, mais il a aussi un sort de comportement.

La deuxième axe de recherche a été la visualisation de la respiration. Avant, l’interface a visualisé le mouvement de la danseuse à travers des particules en forme des points blancs qui ont des comportements programmés. Chaque point blanc à son propre comportement et l’ensemble des points créent un image qui traduit le mouvement de la danseuse en une  “espace dynamique en deux dimensions”.

Avec le capteur, il s’agissait de trouver une manière de visualiser l’action de la danseuse et du spectateur dans le même image sans que ce soient deux phénomènes qui coexistent mais plutôt une phénomène qui s’actualise à travers deux paramètres. C’est comme un corps avec ses différents organes qui à travers leurs fonctionnement ont une impact sur l’ensemble des autres organes. La danseuse compose avec l’image, c’est à dire que l’image lui donne un retour au même temps qu’elle fait partie intégrale de cette image. Si le spectateur à son tour modifie l’image, la danseuse reçoit un autre image de sa représentation. Cette représentation modifiée invite la danseuse de composer avec. La manière comment la danseuse réagit sur la respiration  permet au spectateur de comprendre le code entre sa respiration et le mouvement. Ainsi au fur et à mesure un jeu, un échange peut s’installer, tout dépend de la disponibilité du spectateur et de la danseuse.

Dans une séquence, par exemple, les particules sont attiré par des attracteurs qui se trouve sur le corps de la danseuse. Quand la danseuse bougent, les particules la suivent plus au moins vite selon leurs distances. Mais au même temps la respiration modifie la valeur de l’accélération des particules. Quand le spectateur inspire, les particules se deplacent très rapide et des nuages denses se créent autour des attracteurs. Quand la danseuse bouge aussi très rapide, il y a un trainé de nuages de particules. Si par contre le spectateur expire, les particules ralentissent et ne suivent plus les mouvements rapides de la danseuse…  Ainsi un code s’installe basé sur les modalités du dispositif mise en place et conduite par un jugement esthétique partagé entre spectateur et danseur. Pour simplifier, on pourrait  traduire ceci en: inspiration = mouvement rapide, expiration= mouvement lente.

Mais dans ce jeu, il n’est pas établie qui initie et qui suit une impulsion.  Il y a une certaine similarité entre le contact -improvisation, qui expliquera mieux l’enjeu du rapport entre spectateur et danseur. Le contact-improviation est une technique de danse qui n’est pas basé sur la production d’une forme, comme à la danse classique, mais d’une ressentie. C’est un jeu avec l’équilibre et la force de gravité entre deux ou plusieurs corps qui fait émerger la chorégraphie.

Ce qui est intéressant, c’est l’aspect procédurale et ludique. A partir d’un code établie entre les participants, la suite des évènements se négocie à l’instant même. Le résultat n’est probablement  pas plus intéressant  qu’une chorégraphie écrite, probablement au contraire, mais ce qui est important c’est le déplacement de la mode de la représentation vers la mode de l’interactivité. Ce deux mode sont fondamentalement différents. L’une vise le résultat, l’autre entretien une relation.

Ce mode de l’interactivité nécessite également l’adaptation de la chorégraphie car l’image ne réagit pas seulement au mouvement de la danseuse, mais aussi à la respiration. La chorégraphie avant était plus au moins écrits même si la danseuse ‘interagissait’ avec l’image. Le billet particules, comportement et mouvement décrit plus en détails l’interface et le rapport avec la danse. Avec l’intégration de la respiration, il fallait plutôt trouvé des formes relationnelles. Au fur et à mesure pendant les répétitions, nous avons trouvé les codes décrit ci-dessus (inspiration = mouvement rapide, expiration= mouvement lente). Ce très simple code permet au spectateur de découvrir la relation entre son comportement et celui de la danseuse toute en la laissant la liberté  ‘de danser’.  Finalement, le dispositif est la mise en relation des trois comportements: le comportement programmé des particules, le comportement de respiration du spectateur et le comportement dansant de la danseuse. Il ne s’agit pas d’un spectacle chorégraphique mais plutôt d’une mise en circulation programmé des flux provoqué par des mouvements.

Pendant la résidence, les journaliste Mathieu Verger et Bruno Roy de TeleNantes sont passés, pour filmer et nous interviewer pendant les répétions. Le reportage explique très bien le fonctionnement et les idées du dispositif. Voici l’extrait de l’émission:

La réalisation de la membrane

Après avoir réalisé la structure en métal, le travail sur la membrane a pu commencé. J’ai trouvé un sponsoring pour la matière de la membrane. La société espagnole  Giscosa produit le Giscolene, un très beau matière de caoutchouc artificiel qui est utilisé principalement pour l’étanchéité des toitures et des lacs artificiels. J’ai été très agréablement surprise par la simplicité de la prise de contacte et la relation avec Giscosa. Le Giscolene correspondait parfaitement à la matière que j’ai cherché: un matière légère, étanche, élastique et noir. L’idée était de donner un aspect organique à la structure, que la membrane à l’aspect d’un peau qui enveloppe le skeleton – la structure. Pendant que j’ai travaillé dans la verrerie de l’ENSCI, un lieu passager de l’école, je n’ai pas jeté le moindre bout de Giscolene, tous a été récupéré par les étudiants pour faire des essaies. Étrange que le Giscolene ne soit pas utilisé davantage pour le  Design, architecture…

Préalablement, j’ai réalisé une membrane pour la maquette. Le tissu avait proportionnellement la même élasticité que la matière pour la structure, donc j’ai pu tester le comportement sur la structure. Suite à la maquette, j’ai réalisé qu’il fallait rajouté des barres qui rejoignent les bords en haut pour éviter que la membrane sous tension crée des lignes concaves.

Maquette en tissu

Maquette en tissu :: photo: Rana EL MAKAWI

Le procédé a été le découpage des patrons en carton pour verifier et réadapté les dimensions. Ensuite le découpage et collage du Giscolene pour fabriquer un seul ‘capote’ qui sera fixe avec des cordes comme un corset sur la structure.

La première étape a été d’exporter les dimensions de la  membrane qui a été dessiné en 3D sur papier en 2D. C’est là ou les problèmes ont commencé. Pour la maquette, j’ai simplement pris les pages imprimé comme patron que j’ai découpé ensuite dans le tissu. Comme il est élastique, un très grand précision n’a pas été nécessaire.  Cette fois-ci, il fallait transféré le plan 1:20 sur le patron en taille réel. Mais je me suis aperçu que ce que Rhino (logiciel pour le dessin en 3D) m’a exporté n’ont pas été des géométries existants. Comme les trapèzes dont sont composé les surfaces de la membrane ne sont pas plans, Rhino les a aplatie. Mais les angles et cote que j’ai mesuré ne correspondait à rien:

plan exporté pour la membrane

Plan exporté pour la membrane

J’ai transféré mes plans grâce à un énorme compas (merci Didier!). Chaque fois que j’ai dessiné mes trapèzes à partir d’une base et deux diagonales et que j’ai vérifié les autres cotés par la suite, il y a eu un qui a été faux. Ceci était lié au fait que les différentes coté du trapèzes ne se trouvent pas sur le même plan.  La solution aurait été de découpé les surfaces en triangle, car un triangle est toujours sur un plan contrairement au rectangle. C’est pour cela que les logiciels 3D utilisent les triangle comme plus petite unité ( merci à François GAULIER de l’Ensci pour les explications). Mais de couper et souder les triangles au lieu des trapèzes aurait doublé le travail. Donc finalement, j’ai remesuré les dimensions sur la structure au lieu de se fier des plans exporté de Rhino et j’ai calculé un compromis pour rester dans une précisions de +/-2cm, ce que la matière m’a permis sans problèmes.

Kompass et patron

Compas et patron

Ensuite, j’ai transféré les plans sur papiers pour découper les patrons. J’ai revérifié ensuite les patrons sur la structure avant de découper le Giscolene. Le Giscolene se coupe très facilement, mais le collage est délicat. Elle se colle avec un double face spéciale et un primeur. On applique d’abord le primeur sur les deux surfaces, ainsi les surfaces sont propres et prêt à s’assembler chimiquement. Cette assemblage s’appelle ‘vulcanisation’ proche du procédé quand on répare les chambre à aire de son vélo. Une fois le double face et la surface traité sont en contact, il est impossible de le séparer. On obtient une collage très robuste mais c’est très délicat d’éviter les pli surtout dans les coins.

Patron en papier sur la structure

Patron en papier sur la structure

Pour un résultat correct il est inévitable de travailer à deux. Il y a Nicolas Tilly, artiste plasticien qui m’a beaucoup aidé, mais aussi Douz et Ivo Flammer.

Découpage de Giscolene avec Nicolas Tilly

Découpage de Giscolene avec Nicolas Tilly

J’ai passé deux semaines tous le jours à travailler sur la membrane, même le weekend. J’ai eu donc même l’aide de ma fille qui a passé du temps avec moi sur le chantier.

Paolina à l'Ensci

Paolina à l'Ensci

La réalisation de la structure

Pour la réalisation de la structure en métal, j’ai été aidé par Pierre Lambert, étudiant de l’ENSCI, qui est en train de réaliser son projet de Diplôme; Una Tok, lycéen qui fait son stage d’école à l’Ensci et Didier Gugole, maitre de l’atelier de métal.

Una Tok, stagiare, Lambert et Didier Gugole

Una Tok, stagiaire, moi avec Pierre Lambert et Didier Gugole

A part la réalisation elle même, c’est surtout la conception de la réalisation qui a pris beaucoup de temps car les exigences sont nombreuses: La structure doit être le plus léger possible, solide, s’adaptant à des sols qui ne sont pas toujours plan, le montage doit être facile, rapide avec le moins d’outils et personne possible.  Toute la structure doit être facilement transportable- et tous ça avec un budget très serré.

Pour la légèreté, nous avons trouvé un système des arches en tubes de 35mm qui sont écarté par des tube plus fine qu’on peut “clipsé” en haut sur les arches. Ce système de  fixation est beaucoup utilisé dans les stands de marché  parisienne qu’on monte et démonte 2 fois par semaine. Tous les tubes sont max. 2.50m ce qui permet de le transporter avec un camionnette de 10m2. L’assemblage des tubes se fait avec des goupils, nous avons évité des vises pour éviter d’avoir des pièces qui s’usent.

Système d'écartement avec les tubes clipsés et assemblage avec goupils

Système d'écartement avec les tubes 'clipsés' et assemblage avec goupils

Pour éviter que la structure ‘se plie’ quand il y a des vents nous avons rajouté un contreventement en fil métallique. C’est très léger et s’adapte facilement. Quand les sols n’est pas plan, toute la structure se déforme légèrement. Avec un système de serrage de fil métallique, ce contreventement reste adaptable.

Contreventement

Contreventement par fil métallique

Quand le spectateur rentre dans la structure, il n’est voit qu’une petite espace avec une miroir. Il y a aucune entrée visible pour la danseuse. Pour rendre l’entrée invisible, nous avons utilisé une ‘ruse’, qu’on connait des châteaux. Une porte tournant a été dissimulé dans le miroir. C’est probablement aussi un élément qui fait que parfois des spectateurs croient que la danseuse est une simple projection 3D.

La porte tournant qui sera également le mirroir sans tain

La porte tournant qui est également le cadre pour le miroir sans tain

La consolidation de la structure

Après une première phase de conceptualisation de l’espace (voit ce billet ) qui pris en considération les différentes exigences esthétique et fonctionnelles, j’ai commencé a dessiner le projet en 3D.  Avant de passer à la réalisation, il y a eu trois étapes de consolidation du projet : Le tracé au sol, la maquette à l’échelle réel et ensuite la maquette à l’échelle 1:20. Cet étape ainsi que la réalisation a été suivit par Didier Gugole, maitre de l‘atelier Métal de l’Ensci.

Le plan 3D de l'architecture

J’ai dessiné le plan avec Didier directement  sur le sol à l’aide d’un cordeau à poudre. Le tracé au sol m’a permis de me rendre compte de la dimension réel, de tester que la projection rend dans la structure, que l’espace pour le public est suffisamment et de ‘sentir’ les proportions. Suite à cette étape j’ai rallongé l’espace de la danseuse, car elle a donné l’impression d’être trop serré. Mais aussi la proportion par rapport à l’espace du spectateur n’était pas juste.

Le tracé au sol avec Didier Gugole au milieu
Le tracé au sol avec Didier Gugole, maitre de l’atelier métal de l’Ensci

L’entrée de la structure a été un point sensible, car l’angle de  coude à certaines endroits des tubes horizontaux semblait critique. Suite à cette étape ou  Yang Yi m’a aidé, j’ai élargie l’entrée, mais j’ai gardé le coude pointu, ce qui oblige le spectateur en rentrant de faire un petite hanchement, un sorte de mise en condition pour voir un spectacle de danse ensuite ;-)

La maquette à l'échelle réelle avec

La maquette à l'échelle réel avec Yang Yi

La maquette à l’échelle 1:20 a permis d’observer et étudier la statique de la structure et de voir le projet physiquement en 3D. J’ai la réalisé en tige de métal d’apport  que j’ai soudé à l’argent.

La maquette de la structure en metal
La maquette de la structure en métal

Suite à l’étape de la consolidation, j’ai redessiné les plans et passé à la réalisation.